Élections parlementaires en Pologne, victoire en demi-teintes du PIS

Quelque chose a-t-il bougé dans le royaume absolu des ultranationalistes du PIS en Pologne ? Malgré les résultats univoques du vote polonais, où le parti PIS garde la majorité absolue au Parlement – tout en la perdant au Sénat- plusieurs observateurs constatent l’apparition des nouvelles forces, de gauche surtout, et aussi d’extrême droite. Tout n’est pas perdu et la tendance peut se retourner. Ceci surtout grâce à l’action incessante, envers et malgré tout, des mouvements citoyens qui n’ont pas baissé les bras, ni en Pologne, ni dans les milieux des Polonais de l’étranger dont nous sommes. Le Monde écrit dans son éditorial sous le titre éloquent, « Pologne et Hongrie, les limites de l’illibéralisme » :
« Face à ces défis cependant, trente ans après la chute du communisme, la vitalité démocratique des sociétés civiles d’Europe centrale reste forte, comme le montre le taux de participation le plus élevé (61,74 %) enregistré en Pologne depuis 1989. C’est, en soi, un élément réjouissant. »
« La gauche fait son retour au Parlement, après quatre ans d’absence, et privera le PiS de son monopole sur le terrain social.
Et l’opposition a remporté, avec deux sièges d’avance, la majorité au Sénat »

Editorial du « Monde ». La progression des populistes en Europe centrale n’est pas inexorable. Les élections législatives polonaises et municipales hongroises qui ont eu lieu simultanément dimanche 13 octobre ont montré que ces deux bastions de la révolution « illibérale » pouvaient aussi réserver quelques surprises.
En Pologne, le parti nationaliste conservateur de Jaroslaw Kaczynski a, à première vue, de quoi se réjouir. Son score de 43,59 % – le plus élevé jamais atteint par un parti aux élections législatives depuis 1989 – lui donne la majorité absolue, avec 235 sièges sur 460 à la Diète. C’est la première fois qu’un même parti est en mesure de gouverner deux fois de suite sans devoir former de coalition, et c’est une performance remarquable.
Des freins sur la route du PiS
Mais, si Jaroslaw Kaczynski s’attendait à un raz-de-marée, il reste sur sa faim. Le score cumulé des quatre partis d’opposition atteint une majorité de 55 % des voix : seule la complexité du mode de scrutin permet au parti Droit et justice (PiS) d’obtenir cette majorité absolue des sièges. La gauche fait son retour au Parlement, après quatre ans d’absence, et privera le PiS de son monopole sur le terrain social.
Et l’opposition a remporté, avec deux sièges d’avance, la majorité au Sénat. Son influence sur le processus législatif sera certes limitée, mais elle aura la possibilité de ralentir certaines nominations dans des institutions sensibles : autant de freins sur la route du PiS qui rêve ouvertement de copier la Hongrie de Viktor Orban.
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Le modèle hongrois a montré, lui aussi, ses limites. Après neuf années marquées par l’affaiblissement de tous les contre-pouvoirs, Viktor Orban va devoir composer avec un maire d’opposition à la tête de sa capitale, Budapest. Alors que son parti, le Fidesz, contrôlait la quasi-totalité des municipalités du pays, il a perdu dix des 23 plus grandes villes.
Après des années de défaites cinglantes, l’opposition hongroise a enfin relevé la tête grâce à une alliance inédite destinée à contourner un mode de scrutin ciselé par et pour le Fidesz. Même si le pouvoir des maires hongrois reste limité, Viktor Orban n’aura plus les mains libres pour imposer son modèle de société xénophobe et autoritaire à tous les échelons.
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Mais, si les résultats de dimanche montrent que les deux figures de proue de l’illibéralisme centre-européen ont peut-être atteint leur sommet, le reflux ne semble pas encore engagé pour autant. Les oppositions locales sont toujours incapables de s’organiser en alternative crédible. En Pologne, les libéraux de Plate-forme civique ne se sont jamais remis de leur défaite de 2015 ; ils ont mené une très mauvaise campagne, sans arriver à proposer une politique sociale susceptible de séduire l’électorat du PiS des zones défavorisées.
Vitalité démocratique
Le tableau est similaire en Hongrie, où l’opposition unie a largement échoué dans les territoires ruraux. La nature de cette alliance historique allant de la gauche au Jobbik, un parti d’extrême droite au passé antisémite, pose en outre de véritables questions ; si elle peut permettre de remporter opportunément des scrutins locaux, on voit mal comment elle pourrait bâtir un véritable programme de gouvernement alternatif pour la Hongrie.
Face à ces défis cependant, trente ans après la chute du communisme, la vitalité démocratique des sociétés civiles d’Europe centrale reste forte, comme le montre le taux de participation le plus élevé (61,74 %) enregistré en Pologne depuis 1989. C’est, en soi, un élément réjouissant.
Le Monde

https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/15/pologne-et-hongrie-les-limites-de-l-illiberalisme_6015569_3232.html?fbclid=IwAR3iR0QGTqHa6-sObwa_anOsjDk2t0ZGg2TSxDeFqHKhivsO_1HZpISz-UY