En Pologne, l’épidémie du coronavirus avance, les droits des femmes reculent

Près de deux cent signatures sous notre communiqué (en ligne sur Mediapart) sur les projets des lois contre l’avortement et l’éducation sexuelle dans les écoles, et les soutiens français continuent à affluer. Le vote a eu lieu le 16 avril et les deux lois ont été envoyés en commission. La lutte des femmes polonaises continue et les soutiens s’organisent à travers l’Europe. La Pologne est dans l’Europe, l’atteinte aux droits des femmes et à l’éducation des enfants, ça nous concerne en France aussi.

https://blogs.mediapart.fr/joanna-lasserre-addp/blog/160420/en-pologne-l-epidemie-du-coronavirus-avance-les-droits-des-femmes-reculent-0?fbclid=IwAR13Fgq7qHi8Cjh7m-0QTjoxbc1ivCzYI6ZvIja2LhJcLk1n7Pj4fvm0L1w

Appel contre le projet de loi sur l’avortement en Pologne

En pleine crise du coronavirus, la Diète polonaise prévoit de réexaminer, le 15 avril 2020, le projet de loi visant à interdire totalement l’IVG en Pologne et ce alors que les Polonais, confinés, ne peuvent pas sortir dans la rue pour protester.

C’est en 2016 que ce projet de loi est initialement proposé à la Diète. Élaboré par Ordo Iuris, une organisation non-gouvernementale ultra-conservatrice, il prévoit une peine de prison allant jusqu’à cinq ans pour une femme qui aurait avorté ainsi que pour les médecins et les infirmiers ayant pratiqué l’avortement. Cette proposition déclenche la colère des Polonaises et provoque la grève générale des femmes en 2016. On se souvient de milliers de femmes vêtues de noir qui sont sorties dans la rue pour défendre leurs droits. Sous leur pression, Droit et justice (parti ultra-conservateur et nationaliste au pouvoir) recule et suspend les travaux sur le projet.

La loi sur l’avortement en Pologne est actuellement l’une des plus restrictives en Europe. L’IVG n’est autorisée qu’en cas de viol ou d’inceste, de danger pour la vie de la femme enceinte, ou de malformation grave du fœtus.

Le projet de loi intitulé « Stoppons l’avortement »[1] vise non seulement l’interdiction totale de l’avortement mais a aussi pour objectif d’interdire l’accès aux examens prénataux mettant ainsi en danger la santé des femmes polonaises et empêchant la détection de pathologies réversibles des fœtus pouvant être soignées durant la grossesse.

En cette période de campagne électorale, le président sortant Andrzej Duda a utilisé les mots forts pour assurer qu’il signera la loi si elle est votée :   « Je suis fermement opposé à l’avortement eugénique et j’estime que tuer des enfants handicapés est tout simplement un meurtre. »[2]

Ce projet de loi bafoue les droits fondamentaux des femmes à vivre dignement et à disposer librement de leurs corps.

Se joignant à la Grande Coalition pour l’Egalité et pour le Choix (WKRW), réunissant plus de cent organisations luttant pour le respect des droits des femmes en Pologne, l’ADDP souhaite marquer son opposition ferme à ce projet de loi et appelle les organisations et personnalités politiques en France à soutenir les femmes polonaises.

Pour signer l’appel envoyez votre nom, prénom et fonction

[1] « Zatrzymaj aborcję »

[2] https://oko.press/prezydent-duda-podpisze-zakaz-aborcji-bo-aborcja-to-morderstwo/

Communiqué Pologne Loi Stop Avortement Projet de loi anti avortement revient_Pologne

Le projet de loi visant l’interdiction totale de l’avortement revient au parlement polonais

Ce projet de loi revient à limiter le droit fondamental d’accès aux soins et aux informations concernant l’état de santé d’une part et d’autre part à condamner les femmes et les nouveau-nés, victimes d’une grossesse à risques, à une extrême souffrance.

Il porte aussi le risque de voir un accroissement considérable du nombre de cas de nouveau-nés nécessitant des soins palliatifs dès l’accouchement et une augmentation de la mortalité infantile.

Si elle vient à être votée, cette loi aurait pour effet deux situations désastreuses. Premièrement, elle compromettrait les avancées médicales dont la Pologne bénéficie au même titre que les autres pays européens : en supprimant le suivi médical des grossesses, les femmes enceintes, ou celles qui planifient une grossesse, seront obligées d’affronter la peur et l’angoisse. Deuxièmement, elle conduirait dans la pratique à exercer une violence institutionnelle sur les femmes dont la grossesse est à risque et sur les nouveau-nés qui présentent des malformations graves et irréversibles. La situation des personnes en situation de handicap n’est pas enviable en Pologne, l’État ne leur garantissant pas une existence digne. Ce projet de loi est donc à ce titre d’autant plus inacceptable.

Malgré les trois exceptions à l’interdiction de l’IVG actuellement autorisées en Pologne, l’avortement y est très peu pratiqué et de très nombreuses barrières existent pour les femmes souhaitant légalement interrompre leurs grossesses. Uniquement 1100 avortements légaux sont pratiqués chaque année dans le pays (à titre de comparaison, 209 522 avortements sont réalisés en France en 2018) et seulement 10% des hôpitaux respectent l’obligation légale de réaliser des IVG dans les cas autorisés par la loi, les médecins se réfugiant le plus souvent derrière la « clause de conscience ». Cet état de fait a pour résultat le développement d’un tourisme abortif mais surtout l’explosion d’un marché d’IVG clandestines prospérant dans des conditions sanitaires catastrophiques et mettant en danger la santé et la vie de nombreuses femmes. Les Polonaises cherchant ces solutions alternatives sont 150 000 environs chaque année et leur nombre risque d’augmenter si le projet de loi est accepté.

La société civile polonaise est contre cette dégradation et cette agressivité des rapports entre les institutions de l’État et les femmes. Une récente étude sociologique indépendante montre que ce type de projets de loi n’a pas le soutient de la société civile[1]. 43% des électeurs du parti Droit et justice, 68% des sympathisants de la Plateforme civique[2] et 75% des partisans de La Gauche[3] sont pour la libéralisation de la législation actuelle et pour l’allègement de conditions à l’avortement.

Dans le contexte actuel où l’état de menace épidémiologique a été décrété par le gouvernement, débattre d’un projet de loi qui n’a pas le soutien de la population est inacceptable et antidémocratique. Il semblerait ainsi que le gouvernement polonais profite de l’actuelle crise sanitaire pour forcer les lois visant la restriction des droits des femmes. Cette fois, contrairement à la situation de 2016, toute manifestation publique contre l’interdiction totale de l’avortement est interdite dans le pays. Par ailleurs, les organisations non gouvernementales qui participent habituellement aux débats, se verront nécessairement interdites d’accès au Parlement.

L’Association de Défense de la Démocratie en Pologne (ADDP) dénonce cette initiative gouvernementale inacceptable et antidémocratique en ouvrant ainsi le débat sur le plan européen.

Paris, le 9 avril 2020

[1] Krytyka polityczna, Polityczny cynizm Polakow : https://krytykapolityczna.pl/file/sites/4/2017/10/polityczny-cynizm-polakow.pdf

[2] Platforma Obywatelska, parti d’opposition du centre/ centre droit

[3] Lewica, parti d’opposition de gauche

A lire aussi http://www.democratie.pl/comite-sauvons-les-femmes-prix-simone-de-beauvoir-2017/

http://www.democratie.pl/wp-content/uploads/2017/06/pass17_fr_web-2.pdf