Rencontre exceptionnelle avec l’écrivaine Marta Dzido à Paris

Café Polska Europa de l’ADDP invite à une rencontre exceptionnelle avec Marta Dzido, écrivaine et réalisatrice polonaise, le vendredi le 11 avril à 20h à la librairie Utopia à Paris. 

 Photo © W. Sliwowska

Le débat sur les deux romans de Marta Dzido, Sezon na truskawki et Frajda, récemment traduits en français (La saison des fraises et Le pied), sera animé par Agnieszka Żuk, autrice, traductrice littéraire, productrice déléguée à France Culture. En présence d’Erik Veaux et Emmanuel Ferraz, les traducteurs.

Marta Dzido, née en 1981, a publié sa prose dès l’âge de 16 ans. Auteure de romans, nouvelles et reportages, elle est également diplômée de l’École du cinéma à Lodz, réalisatrice des documentaires, dont « Solidarité selon les femmes » (Solidarnosc wedlug kobiet, co-réalisé avec Piotr Sliwowski). Lauréate de nombreux prix, elle a reçu le Prix européen 2019 pour le roman « Frajda » (Le pied).

Vous pouvez lire quelques extraits de ses écrits encore inédits en France choisis par l’autrice en bas de la page.

Rendez-vous le vendredi 11 avril à 20h à la librairie Utopia, 1, rue Frédéric Sauton • 75005 Paris

Frajda (Le Pied) est une lettre d’amour écrite sur 140 pages. Ou peut-être bien un roman érotique ? Oui, si vous vous attendez à y trouver « des moments intimes », vous ne serez pas déçus. C’est « un grand moment d’intimité. – Natalia Szostak, Gazeta Wyborcza

La saison des fraises, extrait : Le ciel par terre, le trottoir là où étaient des nuages, des branches d’arbres à la place de racines et, soudain, trois copains qui viennent dans notre direction en marchant sur la tête. Tomek, Piotrek et Pawel, ou bien Marcin, Michal et Piotrek, peu importe quand on est suspendu par les jambes, difficile à reconnaître. Ils arrivent par ici, ils vont bientôt nous voir dans toute notre splendeur, jupes descendues sous le menton, petites culottes à l’air, ah ça non, vite fait, redégringoler. Hop, et nous revoilà debout. Comme si de rien n’était. Tout revenu à sa place. Ne se voit que ce qui peut se voir, le reste est caché. Mais elle, elle reste suspendue. Les cheveux balayent le trottoir, les cuisses maigres et pâles enserrent la barre, tandis que le ventre pointe sans pudeur le nombril et, pire que tout, la petite culotte blanche. – Allez, saute, vite ! On te voit tout ton cinéma ! Mais elle, rien. Et nous, encore : – Tu n’as pas entendu ? On te voit tout le cinéma ! Les garçons sont déjà tout à côté, prêts à nous harceler ; nous avons honte, pas pour nous mais pour elle, pour son cinéma en plein air, et c’est là qu’elle revient à terre dans une pirouette, contente d’elle-même, fière, qu’elle nous regarde de ses yeux qui nous font taire. On attend la suite, et elle : – J’ai gagné. 

…/…

Je ne sais pas comment ça s’est fait, mais je me colle les lèvres sur elle et c’est le moment où je m’envole, plus rien ne compte, il n’y a plus que sa douceur où je me glisse avec la langue, elle me tire à elle, enfonce les doigts dans mes cheveux, je lui baise les joues, les paupières, le cou. Je lèche le goût de toutes ces friandises que nous chapar dions pour l’excitation, c’est une proximité totale que rien ne limite, impossible à ressentir avec un type, fût-il le super-mec, il ne lui arriverait même pas à la cheville, il se rait tout juste bon à balayer la poussière devant ses pieds, parce qu’elle a le goût de tous les bambinos du monde et qu’elle est, en cet instant mienne, la plus.
Nous nous embrassons, combien de temps je ne sais plus, pour moi c’est une éternité alors que l’ascenseur arrive au rez-de-chaussée, nous manquons de souffle, j’ai ouvert les yeux et vu à la lumière de la veilleuse son vi sage humide de ma salive, ses joues empourprées, j’ai eu l’impression de voir dans ses yeux des étincelles danser sauvagement comme si nous avions juste avant dévalisé une banque et fui avec un sac de billets, à fond les gaz, à cent-quatre-vingts à l’heure, cheveux ébouriffés dans le vent tandis que notre cabriolet rouge fonce vers l’horizon et que nous disparaissons, qu’ils essayent de nous pourchasser s’ils en ont envie, mais de toute façon ils ne nous trouveront pas. / Traduit du polonais par Erik Veaux

Le pied, extraits : J’ai timidement touché le bord de la couverture. Je t’ai ouverte à l’aveuglette, sur une page au hasard, j’ai mis le nez dedans, j’ai respiré l’odeur. Une odeur forte et irritante de deux cents pages imprimées de tes mots. J’ai caressé le papier. J’ai toujours cru en toi, j’ai toujours su que tu allais écrire. J’étais heureux que tu aies réussi. Ça me flattait de penser : oh oui, je connaissais cette fille avant que vous ne l’ayez connue. J’en ai connu chaque petit bout. 
Ses seins tenaient parfaitement dans mes mains. Je suçais ses orteils avant qu’on ne l’imprime. Cette voix de la génération me murmurait sans cesse, insatiable : encore, encore. Avant qu’elle ne fasse ses débuts devant vous, elle m’envoyait des dizaines de lettres, dans lesquelles, avec une écriture unique, elle écrivait des choses dont vous n’oseriez même pas rêver, au sujet desquelles vous auriez peur de poser des questions, des choses qu’il ne faut pas faire, dont on dit que ce sont de vilaines choses.
Je me suis rappelé toutes ces vilaines choses que je faisais avec toi. Et celles que tu me faisais à moi. Oh oui. 

…/…

Tu sais bien qu’il m’arrivait d’être avec toi au paradis. Peut-être tu te dis que maintenant, quand je t’écris, tout ça ressemble à des aveux sentimentaux, à la nostalgie d’un homme au pied du mur, qui sait que la seconde jeunesse dure beaucoup moins longtemps que la première. Et qu’elle est beaucoup plus amère et douloureuse. Elle arrive d’un coup, frappe au visage la main ouverte et brûle fort la joue rouge. Oui, tu as raison, peut-être que je suis un pauvre con qui veut revivre sa première fois, un naïf qui ne peut pas se faire à l’idée que toutes les premières fois sont déjà derrière lui, qu’il ne lui reste plus que des vieux tubes à écouter et des refrains au rythme marqué pour battre la mesure. Peut-être, ma petite, qu’elle sonne comme ça à ton oreille, ma love song surprise qui n’entrera jamais au Top 50. Mais je le répéterai une fois de plus, plus fort et plus clairement, de façon à ce que mes paroles te parviennent où que tu sois, par tous les diables. Il m’arrivait d’être avec toi au paradis. /Traduit du polonais par Dominika Wierzbowicz et Emmanuel Ferraz

L’organisation ADDP en collaboration avec l’Institut Polonais de Paris et les éditions Relacja.

Le livre La saison des fraises a été traduit dans le cadre du projet « Tandems de traducteurs » financé par l’Union européenne. Ce projet a également bénéficié d’un financement du ministère de la culture et du patrimoine national en Pologne, provenant du Fonds de promotion de la culture.  

Notre événement sur Facebook    Lien                             

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*